« Je ressentais la faillite comme un échec personnel »

En quelques mois, Erick Thiry, à la tête d’une entreprise florissante, s’est retrouvé, à la suite d’une faillite, sans maison et sans ressources. Même si les séquelles de ce traumatisme ne sont pas complètement effacées, il peut aujourd’hui envisager l’avenir avec plus de sérénité.

Rétrospectivement, on se dit qu’on aurait pu être plus attentif à certains signaux d’alarme. Ne pas foncer sans avoir la certitude d’être couvert pour tous les risques. Mais ça, c’est après… En 2013, tout allait bien pour Erick Thiry. Il était à la tête d’une société qui organisait, depuis 20 ans, des congrès et des conférences en Belgique et à l’étranger pour des clients institutionnels et privés. Huit millions et demi de chiffre d’affaires, 12 personnes employées. « Tout a commencé par un important marché public soumis par une administration belge et nous avons obtenu le projet. L’organisation qui a attribué le marché a fait preuve d’une très mauvaise gestion financière et a fait exploser son budget. Tant et si bien qu’ils n’ont pu acquitter leurs derniers paiements. De notre côté, vu l’importance du contrat, nous avions engagé de nombreux sous-traitants vis-à-vis desquels nous nous sommes retrouvés en cessation de paiement. »

Tout a été très vite. La banque, par refus d’assumer un quelconque risque financier, a coupé toutes ses lignes de crédit. Plus de liquidités pour payer les fournisseurs et le personnel. « J’ai dû mettre la société en faillite. Comme, en tant que CEO, je m’étais porté caution solidaire pour les emprunts bancaires de la société, on a saisi ma voiture, ma maison et mes comptes bancaires privés. Je n’avais plus rien. » Comble de l’infortune, sa femme l’a quitté en emmenant avec elle les enfants. Indépendant depuis 40 ans, Erick Thiry n’avait pas droit au chômage. Et comme il était toujours légalement marié et que sa femme avait, elle, un emploi, il ne pouvait pas bénéficier de l’aide du CPAS. À la tête d’une entreprise florissante quelques mois plus tôt, il se retrouvait à la rue, sans ressources. « C’était comme un trou noir, un cauchemar. J’ai fait un burn-out. »

Grâce à un prêt d’argent d’un ami proche, il a pu louer un petit appartement. « Je suis resté un an allongé sur mon canapé. Je ressentais la faillite comme un échec personnel et un désaveu de mes compétences de manager. J’avais l’impression d’avoir sur le front un post-it qui disait « Tu as fait faillite, tu n’es qu’un gros nul. » Et que les gens le lisaient dans mon regard. »

Petit à petit, il a pu remonter la pente, notamment grâce à une autre amie qui lui a trouvé un travail. « Ce n’était pas spécialement intéressant mais c’était un job et je l’ai accepté. À cette époque, je ne voulais plus de responsabilités. Je me sentais incapable de la moindre initiative. » Patron depuis 40 ans, il n’avait jamais fait faillite. Le chemin a été long pour atténuer les séquelles d’un tel échec et, progressivement, voir revenir ses reflexes de chef d’entreprise. Aujourd’hui, il travaille comme conseiller auprès de la Chambre du Commerce de Bruxelles. Mais il constate que la culture de l’échec est inégalement partagée. « L’échec est accepté dans bien des domaines, en sport notamment. Dans le monde de l’entrepreneuriat, c’est encore souvent mal vu. » Les chefs d’entreprise qu’il côtoie dans ses activités lui demandent parfois les leçons qu’il tire de sa faillite. « Chaque faillite est différente. Je croise des entrepreneurs qui ont fait trois ou quatre fois faillite et qui rebondissent sans trop de problèmes. Pour eux, ça fait partie de la vie d’entrepreneur. Dans mon cas, j’ai tout perdu. Tout mon monde s’est effondré. Rétrospectivement, je pense que si j’avais pu bénéficier d’un accompagnement, personnalisé et sans jugement, pour m’aider à prendre des bonnes décisions, j’aurais pu remonter la pente plus rapidement. Mais ça n’aurait pas empêché le burn-out. »

Mais on ne refait pas l’histoire, la vie continue. Erick Thiry veut croire que le bout du tunnel existe. Et il remarque, aujourd’hui, de nouvelles initiatives qui naissent pour aider les entrepreneurs à passer un mauvais cap, comme le service Rebondir que propose BECI. « Désormais, je me sens épanoui dans mon travail, je crée à nouveau des projets, un peu comme un entrepreneur. C’est peut-être une phase intermédiaire avant de créer à nouveau quelque chose à moi. Plus tard. »

 

Un commentaire Ajouter un commentaire

  1. Leblanc dit :

    Comment avoir une aide similaire en Wallonie?

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