eFarmz : le challenge ? Continuer à innover

Et si manger sainement de bons petits plats gourmands ne rimait pas obligatoirement avec longues files au supermarché et budget conséquent ? Le bio a de l’avenir nous en sommes tous certains. Restait à prouver qu’il peut venir frapper à notre porte. Muriel Bernard a créé eFarmz il y a bientôt 5 ans. Ou comment recevoir un panier complet et varié de produits bio et locaux Un large entrepôt à Anderlecht.

Ce n’est que le début de la matinée mais l’agitation bat son plein. On s’affaire pour charger les camionnettes, préparer les colis, choisir les produits selon les commandes. Il y en a 670 qui partent aujourd’hui. L’air est glacial malgré le soleil mais les sourires sont au rendez-vous. Une jeune femme passe allègrement de son bureau au terrain, affairée mais pas débordée. Aujourd’hui, eFarmz est une entreprise qui tourne bien, implantée à Bruxelles, en Wallonie et un peu en Flandre. Muriel Bernard a su intelligemment se reconvertir pour s’investir à 200 % dans un projet correspondant à ses valeurs et ses envies : offrir la possibilité de consommer des produits de qualité en recevant à domicile, ou dans des points-relais, des paniers bio et répondre aux préoccupations de tous ceux qui manquent de temps. On vous aide même à choisir vos recettes de la semaine. Top chef après une journée de boulot ? C’est possible !

« J’ai eu envie d’entreprendre quelque chose plus en ligne avec mes valeurs »

Est-ce votre désir de vivre une autre expérience qui vous a poussé à créer eFarmz ?

« J’ai travaillé 12 ans dans des multinationales, dans le département marketing. J’ai eu envie, en effet, d’entreprendre quelque chose plus en ligne avec mes valeurs, de créer une entreprise qui ait du sens. Maman de 2 enfants scolarisés, c’était le moment de me faire plaisir puisque j’avais atteint une certaine stabilité dans ma vie de couple et familiale. J’ai toujours aimé bien manger. Mais je m’étais rendue compte qu’une vie professionnelle chargée m’empêchait d’y consacrer du temps, de choisir les bons produits. Tout se faisait dans l’urgence. Or, dès que j’avais quelques jours de vacances, je me réjouissais d’aller au marché ou dans les magasins bio, d’aller visiter une ferme ou une bonne épicerie. Pour quelle raison n’était-il pas possible de lier ce plaisir à une vie active tout en privilégiant des petits producteurs locaux ? Cette réflexion m’a occupée près d’un an. Suite à un licenciement, j’ai alors décidé de me lancer. eFarmz est née en 2013, en collaboration avec mon amie Cheyenne Krishan qui venait du domaine informatique. »

Quelle fut la première étape ?

« J’ai établi des listes de producteurs intéressants, notamment auprès du mouvement Slow Food Bruxelles. J’en ai visité quelques-uns afin de tester leur réaction. Le déclic a été ma rencontre avec Daniel Cloots de la fromagerie du Gros Chêne, l’un des meilleurs fromagers de Belgique. Il a cru en mon projet, m’a encouragée et a marqué son accord pour proposer ses produits dans mes paniers. Il m’a ouvert son réseau et nous avons pu commencer le projet avec quelques producteurs de la région de Marche. Nous avons développé notre propre site, trouvé un entrepôt avec frigo, pris les commandes, préparé les caisses… Nous avons juste demandé les services d’un livreur indépendant. Au début, nous avions entre 40 et 50 commandes par semaine, de quoi se dire que notre idée était à creuser. Après quelques articles de presse, notre notoriété a grandi et le nombre de commandes a sensiblement augmenté ce qui a permis d’engager du personnel. Notre rencontre avec Steve, notre responsable des opérations, a été déterminante, j’ai pu me concentrer sur le développement commercial. Cheyenne a toujours des parts, et est toujours ma meilleure amie, mais n’est plus active dans la société. »

Comment avez-vous pu commencer financièrement ?

« J’ai organisé une petite levée de fonds de 100 000 € dans la famille et parmi les amis qui a permis des développements informatiques plus approfondis, une automatisation du système, de la pub sur les réseaux sociaux… En 2015, nous avons pu déménager dans nos bureaux et entrepôts actuels d’Anderlecht, avec une plus grosse capacité. Depuis novembre, nous sommes passés de 350 m² à 400 m² supplémentaires. »

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La tendance du bio a-t-elle indéniablement favorisé votre entreprise ?

« Il est vrai que les gens font de plus en plus attention à leur alimentation. D’autant que les enquêtes et les études sur la dangerosité des plats préparés ou des pesticides sur les fruits et légumes abondent. Nous avons connu, et connaissons encore, tellement de scandales qu’une prise de conscience s’est généralisée auprès du public. Il existe un bilan alimentaire indéniable concernant les produits bio mais aussi un bilan environnemental.
Manger bio participe d’une démarche citoyenne mais aussi de plaisir. Nos produits ont du goût, il n’y a pas de comparaison entre un poulet élevé en plein air et celui en élevage industriel. Ce sont des produits qui ont une histoire. Il s’agit aussi de soutenir la production locale. C’est en soutenant les petits producteurs qu’ils auront la possibilité de se développer et de continuer à nous proposer de la qualité. Il existe de plus en plus d’agriculteurs bio en Wallonie, avec une forte augmentation de petites exploitations. Sans oublier les transformateurs bio : biscuits, confitures… »

Quelle est cette histoire derrière les produits ?

« Nous ne travaillons qu’avec des gens qu’on aime bien. Une condition : que les produits soient bio ou durables. Le contact avec le producteur et la passion qu’il met dans ses produits sont déterminants. Chaque relation est envisagée à long terme. Nous avons voulu, dès le départ, diversifier les produits. L’idée est que le client puisse remplir son frigo et faire toutes ses courses alimentaires de la semaine : viande, charcuterie, poisson, fromages,  crémerie, épicerie, fruits, légumes…
J’avoue que je ne vais plus au supermarché. Certains producteurs viennent désormais nous trouver. Mais pas question de les mettre en concurrence, à nous de voir le type de produits dont on a besoin. On veut que chaque producteur s’y retrouve. »

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Comment vous est venue l’idée de la Box ?

« Il était pratique de fournir des produits mais le client n’a pas forcément les idées pour les accommoder. Nous proposions déjà des paniers bio avec des fruits et légumes de la semaine selon les saisons. Un concept pratique mais chacun ne sait pas toujours quelle recette adopter et n’a pas d’office les ingrédients à la maison. Nous avons donc lancé cette idée de Box fournissant 3 plats par semaine. On travaille avec une blogueuse, Myriam Baya de « La cuisine c’est simple », qui propose des recettes simples mais originales, élaborées spécialement pour nos produits. Et tout se trouve dans la Box, jusqu’au moindre ingrédient. Les réactions se révèlent très positives sur les réseaux sociaux, une vraie communauté eFarmz est née. Les gens nous envoient aussi de nombreux mails pour partager leur avis. »

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Votre système de livraison doit demander une solide logistique ?

« L’un des atouts principaux de notre entreprise est que nos produits sont livrés. Nombreux sont ceux qui n’ont pas le temps de se rendre dans les magasins bio, ni sur les marchés quand il fait plus froid ou maussade. Nos produits ultra frais arrivent dans la nuit. Nous n’avons pas de stock, on ne commande que ce qui est demandé par les clients. Les producteurs ont un accès 24h/24 aux frigos et à l’entrepôt. Nos camions partent toute la journée entre 8h et 19h. Nous travaillons avec une dizaine de livreurs et on essaye de privilégier le transport écologique dans les villes. Nous livrons en moyenne 1500 familles par semaine, 4 jours sur 7, en point-relais, à domicile ou même en entreprise. Et tout est fait pour faciliter la réception de la commande pour ceux qui choisissent la livraison chez eux : box extérieure pour déposer le colis, livraison le soir… eFarmz compte aujourd’hui une quinzaine de personnes à temps plein. »

Choisir le Zéro Déchet au maximum : une évidence ?

« On essaye d’être cohérent dans tout ce qu’on fait. La durabilité est notre priorité : gérer un entrepôt à haute performance énergétique, fournir des caisses réutilisables et recyclables, des sacs en papier ou en amidon de pomme de terre compostables, des bocaux réutilisables également. Opter si possible pour des camionnettes électriques ou des cycles. Limiter au maximum l’emballage. On dit non au gaspillage. »

Qu’est-ce qui a été le plus difficile au début ?

« Gérer la croissance. Notre projet a démarré rapidement et on devait s’occuper de tout. La période la plus dure a couvert les deux premières années. Je devais être à la fois commerciale, développer le projet, me lever à 5 h du matin pour gérer les commandes, emballer, travailler 12 h dans des frigos à une température de 4°, porter des caisses de carottes de 18 kg tout en menant une vie de famille ! Coiffer toutes les casquettes, c’était vraiment trop. »

Quelle serait l’erreur à ne pas refaire ?

« Ne pas avoir pensé à notre développement informatique. Notre site n’était pas du tout automatisé. Nous avions trop de choses à faire en même temps et nous nous sommes lancées trop vite, la tête dans le guidon ! Il faut vraiment penser à une évidence : mais qu’est-ce qu’on fait si ça marche ? Aujourd’hui, les choses semblent plus faciles. Du moins, nous savons où nous allons. Mais il faut s’occuper de la gestion administrative d’une entreprise en pleine croissance, assurer les salaires, la TVA… Un quotidien compliqué mais que nous maîtrisons. »

Quel est alors le challenge actuel ?

« Ne pas se reposer sur ses lauriers, se demander ce que les clients voudront demain, continuer à innover. Nous avons réussi à convaincre toutes les personnes conquises par le bio. Désormais, il faut convaincre les non convaincus ! Nous devons avoir l’ambition de grandir pour ne pas s’essouffler. Je désire rendre le bio plus accessible et que ce soit gratifiant pour les producteurs. Travailler dans une chaîne économique positive pour tout le monde. L’idée, à terme, est évidemment de couvrir toute la Belgique. Le marketing mon dada. Je ne viens pas d’une famille d’indépendants, j’ai appris énormément sur le tas. Et on apprend de ses erreurs comme de ses succès. »

“ Les réseaux de femmes d’entreprises sont hyper importants”

Quel bon conseil pouvez-vous donner à un jeune entrepreneur ?

« Ne jamais sous-estimer l’importance des réseaux, bien au contraire. Et encore plus en tant que femme ! Les réseaux de femmes d’entreprises sont hyper importants. Je ne connaissais pas grand monde quand je me suis lancée et j’ai été surprise par leur force. Les gens se soutiennent, se conseillent… C’est un fait, il n’y a pas assez de femmes chefs d’entreprise. Alors des réseaux comme WoWo Community, JUMP et bien d’autres sont très efficaces. Entreprendre devient alors très dynamique, on peut développer des contacts, on se sent porté, moins isolé. »

Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru ?

« 5 ans déjà ! J’ai toujours rêvé d’un tel développement, sans jamais imaginer me retrouver dans 750 m² un jour ! Mes deux enfants ont 9 et 11 ans. Ils n’ont jamais aussi bien compris ce que je faisais ni été aussi fiers. Mon boulot est enfin concret pour eux, ils voient les produits bio à la maison. Parfois, ils viennent avec moi et se rendent compte sur le terrain. Ils me disent que plus tard, ils voudront faire la même chose. Si la relève est assurée, ce sera vraiment très chouette. Mon fils vient parfois participer à l’emballage. Il est très content d’annoncer le soir : « Papa, j’ai bien travaillé aujourd’hui ! Maman moins, elle était à son ordinateur ». Mon mari, psychologue, me soutient beaucoup. Car ce n’est pas facile d’être une femme chef d’entreprise. »

http://www.efarmz.be

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