Peut-on déshériter entièrement ses enfants ?

La saga qui a fait la Une des médias pose question

110 millions de disques, trois villas et un chalet à la très huppée station de sports d’hiver de Gstaad. Pour le reste, l’ampleur de la fortune du rockeur français aux origines belges, Johnny Halliday (né Jean-Philippe Smet) reste un mystère. Ce que l’on connaît en revanche, c’est la part d’héritage de son fils et de sa fille : rien, nada. C’est à Laeticia Boudou, sa quatrième épouse, qu’il a tout légué. Et en Belgique ? Est-ce possible?

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Le torchon brûle entre Laura Smet et David Halliday, les enfants du chanteur décédé, et sa quatrième épouse, Laeticia Boudou. Dans son testament, le « Elvis français » lègue tout à Laeticia, top model de 32 ans sa cadette et son épouse depuis 21 ans. Au décès de Laeticia, toute la fortune ira à leurs deux filles adoptives, d’origine vietnamienne. Aux yeux du droit successoral californien, rien de plus normal : déshériter ses enfants légitimes n’a rien  d’illégal. Mais le droit français, lui, ne le permet pas. Raison pour laquelle Laura et David traînent Laeticia en justice. Les chances qu’ils en tirent le moindre euro sont infimes. Le musicien Jean-Michel Jarre avait intenté un procès similaire lorsque son père, résidant aux États-Unis, l’avait déshérité par testament. Mais en vain. La veuve du père avait, là aussi, hérité de toute la fortune.

Peut-on suivre l’exemple de Johnny ? Est-il permis de déshériter complètement ses enfants ? La question peut paraître cruelle mais l’entente entre parents et enfants est loin d’être toujours cordiale. La structure familiale classique est, par ailleurs, de plus en plus souvent l’exception que la règle. À l’époque des familles recomposées, avec des enfants issus d’un ou de deux mariages voire plus, les gens aspirent souvent à une plus grande liberté et à une plus grande flexibilité quand vient le moment d’évoquer le partage de leur patrimoine. La loi doit, d’autre part, créer des garanties pour les testateurs et héritiers. En Belgique, la loi prévoit qu’une part du patrimoine soit systématiquement réservée aux héritiers protégés, dits « réservataires » (comprenez : les enfants, le conjoint survivant et, jusqu’au 30/08/18, les parents). La part minimale que doivent recevoir les héritiers protexte tégés est appelée la « réserve ». Quant à la part restante, appelée “quotité disponible”, vous pouvez en disposer librement. Sa taille dépend, aujourd’hui encore, du nombre d’enfants que vous avez.

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Cette règle changera toutefois dès le 1er septembre 2018. Le nouveau droit successoral entrera alors en vigueur et tout le monde pourra disposer de la moitié de son patrimoine, peu importe le nombre d’enfants. En d’autres termes : les testateurs pourront faire don d’une plus grande partie de leur patrimoine ou l’allouer, par exemple, à leur partenaire cohabitant de fait ou à leurs beaux-enfants. Mais l’inverse veut, en revanche, que la moitié du patrimoine du testateur soit systématiquement réservée aux héritiers bénéficiaires d’une réserve. Plus il y a d’enfants, plus la réserve «individuelle» par enfant sera alors réduite. La moitié devra, en effet, être divisée par le nombre d’enfants… Si vous n’avez qu’un enfant, il aura systématiquement droit, à compter du 1er septembre 2018, à la moitié de votre patrimoine. Si vous en avez deux, chacun héritera de 1/4. Et si vous en avez trois, leur part s’élèvera à au moins 1/6 de votre patrimoine.

Vous avez donc la réponse à la question posée dans le titre : non, vous ne pouvez pas exclure ou déshériter vos enfants, à moins que leur part d’héritage ne les intéresse pas. Vous pourrez néanmoins allouer des parts différentes à vos enfants mais chacun d’entre eux aura droit à une part minimale qu’il pourra toujours revendiquer. Et si ? Et si un parent décide de ne pas tenir compte de la réserve de son enfant ? Celui-ci pourra s’opposer à la décision qui le lèse et revendiquer sa réserve. Pour ce faire, il devra introduire une « action en réduction ». L’enfant peut demander que la donation ou le legs qui porte préjudice à sa part d’héritage soit réduit de manière à pouvoir recevoir sa part minimale. L’introduction d’une action en réduction n’est nullement obligatoire. Un enfant peut tout à fait décider de ne pas introduire d’action en réduction et de laisser les choses en l’état. Pour l’instant, un enfant n’a pas encore la possibilité de renoncer préalablement à une « action en réduction ». Ce sera cependant le cas à partir du 1er septembre 2018. Le notaire devra, pour ce faire, établir un pacte successoral dans un acte authentique. Ce pacte successoral garantira aux parties la sécurité juridique nécessaire car accepter que sa réserve puisse être atteinte est une décision difficile.

 

texte :Dirk Remmerie

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