
Inséparables, Michel et Sara le sont depuis la naissance. Et au moment de déployer leurs ailes pour prendre leur indépendance, ils se sont envolés ensemble pour un autre nid. En août 2020, les jumeaux ont acheté une maison à deux : ils en partagent aujourd’hui le toit et les dépenses. « Il vaut mieux acheter ensemble quelque chose de beau dont on profite, plutôt que de se retrouver seul dans un appartement miteux. »
Les prix élevés du marché de l’immobilier contraignent les jeunes qui ont une brique dans le ventre à recourir à des solutions innovantes. Habitat kangourou, location écureuil, tiny houses… : les formes d’habitat alternatives explosent. Vu qu’ils n’arrivaient pas à trouver de bien qui leur plaisait dans leur budget, Michel et Sara ont décidé d’acheter ensemble, entre frère et sœur. Le seul désaccord qu’ils avaient concernait le fait d’emmener ou non le chat Radis, mais Sara a très vite su convaincre son frère. Le pouvoir d’un apéritif estival !
Comment vous est venue l’idée d’acheter une maison ensemble ?
Michel : C’est une idée qui a germé peu à peu. Je cherchais depuis un moment à acheter un appartement ou une petite maison et je ne trouvais rien qui me plaisait, du moins pas dans mon budget. C’est alors que je me suis dit : “Pourquoi ne pas acheter avec quelqu’un d’autre ? Ma sœur par exemple ?
Sara : Michel est du genre à plaisanter, donc quand il a commencé à en parler, j’ai cru qu’il disait ça pour rire. Mais il revenait sans cesse sur le sujet et à un moment donné, je me suis dit : «Après tout, pourquoi pas ? Faisons ça.» À l’époque, j’étais en colocation et je cherchais un bien à acheter seule, mais c’était impossible. Bien trop cher. Et maintenant, on a pu franchir ce beau cap à deux.
Qui a choisi la maison ? Comment vous y êtes-vous pris ?
Michel : On est tombés tout de suite d’accord.
Sara : Directement, vraiment.
Michel : Après avoir décidé d’acheter une maison ensemble, nous sommes allés à la banque pour voir ce qui était possible et quels étaient les risques. On ne vivra probablement pas ensemble toute notre vie. Il fallait donc quelque chose sans trop de risques et qu’on pouvait rembourser rapidement, pas en 30 ans. On a ainsi déterminé notre budget et on a commencé nos recherches, jusqu’à ce qu’on trouve cette maison, dont on est tout de suite tombés tous les deux amoureux. Le prix était un peu supérieur à ce qu’on s’était fixé, mais elle est tout simplement magnifique. C’est aussi la raison pour laquelle on a acheté ensemble : c’est bien mieux d’acheter quelque chose ensemble dont on profite, que de se retrouver seul dans un appartement miteux.
Sara : On a assez vite décidé qu’elle devait se situer au plus près du centre-ville. On a consciemment choisi une maison qui était déjà en bon état, car nous n’avions ni l’envie ni le temps de faire de gros travaux. Le plus dur était d’en trouver une avec 4 chambres, pour pouvoir faire une cohabitation. C’est un projet secondaire, à vrai dire. On loue 2 chambres, ce qui génère un revenu supplémentaire. Encore un point sur lequel nous nous sommes tout de suite mis d’accord. On aime beaucoup partager des moments avec d’autres personnes…
Vous n’avez rencontré aucune opposition dans vos démarches administratives et juridiques ?
Michel : À la banque, tant que vous présentez un bon budget de base, ils ne rechignent pas pour un prêt. En fait, nous n’avons eu aucune opposition, à aucun moment. Chez le notaire, on a signé tous les deux en tant qu’acheteur, simplement. Nous avons discuté avec un assureur, mais lui non plus n’a pas établi de contrat particulier. On a délibérément choisi de ne pas être cohabitants légaux. Cela aurait eu quelques avantages, notamment en cas de décès ou sur le plan fiscal, mais on voulait garder les choses séparées.
Avez-vous conclu quand même certaines choses entre vous ?
Michel : Nous avons un accord oral selon lequel on décide de tout ensemble. Chacun paie la moitié, donc on a chacun un droit de veto. Si on n’est pas d’accord sur quelque chose, on ne le fait pas. »
Sara : « On se dispute de temps en temps, mais les problèmes se résolvent finalement d’eux-mêmes. Après une demi-heure, c’est réglé.
Michel : On a un avis diamétralement opposé sur certains points et nous sommes deux personnes totalement différentes. Je suis plutôt du genre rationnel, tandis que Sara est plutôt du genre émotionnel. Mais on est parfaitement d’accord sur le fait qu’on aime tous les deux cette maison. Tout comme la décoration.
Sara : Nous avons conclu un contrat de colocation avec nos locataires, notamment pour nous protéger, mais il n’a rien d’officiel.
Michel : On a toutefois décidé d’ouvrir un compte commun. Par facilité. De cette manière, le paiement du prêt et des factures peut aisément se faire par domiciliation depuis un compte qui est alimenté par l’argent des loyers. S’il faut rallonger, on verse chacun 50/50.
Comment ont réagi vos proches ?
Michel : Je remarque que certaines personnes trouvent ça bizarre, mais selon moi, vous courez moins de risques avec votre sœur qu’avec un partenaire avec qui vous êtes depuis 3 ans.
Sara : Acheter une maison ensemble implique davantage que de bien se connaître. Il faut pouvoir compter financièrement l’un sur l’autre.
Qu’en ont pensé vos parents ?
Sara : On pensait qu’ils nous diraient qu’on était fous, mais, en réalité, ils étaient très contents. Lorsque j’ai voulu quitter la maison et louer quelque chose, maman trouvait qu’il valait mieux que je reste. Mais quand on a dit qu’on allait acheter une maison ensemble, elle était très enthousiaste. On ne s’y attendait pas.
Auriez-vous acheté une maison avec quelqu’un d’autre ?
Sara : Je ne sais pas vraiment qui.
Michel : Sûrement pas de la façon dont nous l’avons fait. Ou bien je n’y vivrais pas et je le verrais comme un investissement pur et simple.
Je vous ai entendu dire que vous étiez tous les deux tombés amoureux de la maison, mais aussi que vous ne comptiez pas vivre éternellement à deux alors… Qui gardera la maison ?
Michel : L’avenir nous le dira. Peut-être y vivrons-nous très longtemps, peut-être pas.
Sara : Pour l’instant, nous sommes tous les deux célibataires. Pour moi, l’idéal serait d’oublier les colocataires et d’y vivre à deux couples. Tout le monde n’est peut-être pas emballé par cette idée, mais nous ne devons pas nous en soucier pour le moment.
Michel : Bien entendu, cela peut engendrer des disputes et des discussions, mais nous n’en avons pas encore parlé. On espère que ça ne posera jamais problème.
Sara : Si l’on devait partir un jour, on se battra pour savoir qui recevra quoi. Pour certaines choses, je compte vraiment me battre. (elle rit)
Vous êtes encore jeunes pour acheter quelque chose ensemble.
Sara : Nous avons acheté la maison juste avant d’avoir 24 ans. C’est vrai que c’est assez jeune, maintenant que j’y pense.
Michel : Dans la vie, il faut avancer. Si l’on étudie en détail le modèle que nous appliquons actuellement, c’est une très bonne affaire. Nous récupérerons tous les coûts liés à l’achat d’une maison en 4 ans grâce au fait de ne pas devoir être locataires et grâce aux loyers supplémentaires que nous recevons. Je pense donc que même si ça ne dure que 4 ans, on s’y retrouvera sur le plan financier. Ça vaut la peine de prendre des risques. Plus tôt vous investissez, plus longtemps vous pourrez laisser fructifier.
Sara : J’espère quand même qu’on vivra ici plus de 4 ans haha.
Texte : Daan Paredis
Photo : Thomas De Boever