
Un jour, alors qu’il s’ennuyait en cours, Guillaume Wattecamps a posté une vidéo. Succès immédiat. Celui qui ne peut s’empêcher de transformer chaque moment en un épisode festif crée son personnage et GuiHome n’en finit pas de nous détendre. Et aujourd’hui, le jeune homme, tout juste 30 ans, multiplie les projets et repart en tournée. En famille, entre amis ou pour le public, son destin est d’amuser.
Le sourire a des vertus et GuiHome s’y entend pour en explorer sa multitude. Et comme le jeune homme ne tient pas en place, il a élaboré durant le confinement le nouveau festival d’humour « Namur is a Joke » qui s’est tenu en mars. Une réussite et un projet parmi tant d’autres. L’ado à casquette a mûri et accepte, désormais avec bonheur, sa position de jeune adulte. Rencontre logiquement détendue en ses bureaux situés dans le hub créatif Trakk à Namur.
Quel regard portez-vous sur le Guillaume d’il y a 20 ans ?
Je le regarde avec bienveillance car je sais par où il est passé durant son enfance et son adolescence. Je ressens également, si pas de la fierté, du moins de la reconnaissance, comme s’il savait déjà qu’il emprunterait un parcours atypique, sans jamais rien lâcher. Tout petit, j’étais persuadé que je ne suivrais pas un chemin tout tracé. En fait, je me reconnaissais soit dans tout, intéressé par plein de métiers, soit dans rien. Mais mon destin dépendait assurément de moi. Bien sûr, l’engouement suscité par mes vidéos m’a convaincu de saisir ma chance, de monter sur scène et de concrétiser le plaisir ressenti durant mes cours de théâtre, à savoir faire rire les gens.

C’est votre maman qui vous a inscrit au théâtre en cherchant à canaliser votre énergie et votre sensibilité.
Comme tous mes proches, elle avait remarqué que je devais faire de chaque petit événement une grande fête, que ce soit un repas de famille, une excursion, un simple moment de partage… Je m’ennuyais très vite, il fallait qu’il se passe continuellement quelque chose. J’ai compris rapidement, avec mes amis, lors des premières sorties, que je voulais fuir le silence et le quotidien. Il m’est quasi impossible d’aller au restaurant sans m’adresser aux tables voisines, discuter avec le serveur, lier connaissance avec les autres convives… Difficile de rêver d’un tête-à-tête avec moi, je parle à tout le monde. De là est né le GuiHome des vidéos sans que je réalise que je pouvais en faire une carrière.
Qu’est-ce qui était difficile plus jeune ?
J’ai très rapidement pris conscience de mes lacunes et faiblesses, disons de mes différences. Ne fut-ce que par ma taille, mes potes faisaient tous 6 m de haut ! J’avais aussi du mal à me concentrer longtemps. En classe, j’avais du mal à rester assis, avec cette obsession d’en rajouter des couches, de me mettre en scène. Si j’avais mesuré 1,80 m, je n’aurais pas eu le même parcours. Je me sentais différent, décalé et je le vivais comme une grande violence. Aujourd’hui, enfin, je me sens à ma place sans avoir été obligé de changer de personnalité. Nous vivons une époque à deux vitesses. Du fait des réseaux sociaux, on pense devoir correspondre à des codes suivis par tout le monde tout en osant affirmer ses différences. Et être « bizarre » ne m’empêche plus de mener des projets dans la norme. Il m’aura fallu 30 ans, et une pandémie, pour m’affirmer et donner un sens à mon quotidien.
Y a-t-il aussi un besoin de rassembler les gens ?
Sûrement et c’est ma maman qui me l’a fait remarquer. Je pense que cette notion de « rassembler » revient souvent chez les gens qui me connaissent, notamment les collaborateurs avec lesquels j’ai la chance de travailler. L’expérience a décuplé mon désir de réunir plusieurs personnes autour d’un même projet tout comme l’était celui de partager avec mon entourage, en famille, entre amis. Au début, mon personnage était très autocentré, pour aller par la suite vers un caractère plus universel, soucieux du monde qui l’entoure. Il était normal que je dépasse la thématique du jeune ado dans sa chambre pour aller vers le citoyen et le jeune adulte que j’étais devenu, thème de mon spectacle actuel. Et si le public s’identifie à moi c’est que je suis un citoyen comme les autres. On pense souvent que j’ai gardé une grande part d’enfance mais je me sens bien à ce stade de jeune adulte, avec son lot de questionnements mais aussi d’aspirations. Alors oui, je reste un grand enfant avec mes proches mais je me considère aussi comme un jeune entrepreneur. Une sacrée étape pour moi qui avais si peur de vieillir.

De quels traits de caractère avez-vous hérité de vos parents ?
Mes parents m’ont transmis bien des choses. À commencer par une créativité que j’exprimais peut-être davantage que le reste de la famille. Une grande ouverture d’esprit aussi. Ma maman m’a dit d’emblée « Tu feras ce qui te rend heureux ». Je n’ai ressenti aucune pression pour suivre une voie qui n’était pas la mienne. J’ai tout de même fait en sorte de terminer mes études de communication et d’obtenir un diplôme afin de la rassurer, même si je ne comptais nullement l’utiliser. J’ai commencé à réaliser mes vidéos durant mes études, comme quoi elle a eu raison !
La famille semble être essentielle à vos yeux.
J’ai travaillé un temps avec l’une de mes sœurs avocate, l’aînée étant infirmière. La famille est le socle vers lequel je me retourne. J’habite la maison à côté de ma maman et j’appelle mes sœurs très fréquemment. Mon cousin travaille avec moi pour la création des vidéos et dans l’agence, No Picture Please, créée il y a 2 ans pour accompagner les petites et moyennes entreprises dans le développement de leur image sur les réseaux sociaux. Une activité en plus de tout le reste que j’ai initiée par peur de l’après.
De toute façon, je pense être un hyperactif, même si on ne l’a jamais diagnostiqué. Plusieurs psys avaient mis en avant mon besoin d’aller dans tous les sens. Pourtant, je suis quelqu’un d’extrêmement ordonné, précis dans mes plannings. Si mon personnage a l’air désordonné, je ne le suis pas du tout. Je suis un humoriste issu du web mais il faut, à un certain moment, en sortir et évoluer. Et il était bon de me le prouver en diversifiant mes projets et mes compétences. J’étais vraiment effrayé à l’idée de tout miser sur mon personnage, un certain physique, de m’enfermer dans l’image de l’ado avec sa casquette et ses lunettes.
Comment vous considérez-vous en tant qu’humoriste ?
Je ne suis pas le comique de service à l’affût d’une bonne vanne, ce n’est pas mon domaine. Je préfère raconter une histoire et transmettre une émotion, quitte à bousculer parfois le public. Je cherche bien sûr à détendre les spectateurs mais j’espère qu’il y a aussi une place pour la réflexion quand ils rentrent chez eux. Il est de plus en plus difficile d’être humoriste dans un monde triste et anxiogène. Mais là réside l’essence même de mon travail : dégager un sourire de toute situation. Je fonctionne à l’impulsion et je ne me suis jamais censuré. Mon seul souci est de n’exclure personne, de m’adresser au plus grand nombre. Jamais mon humour ne servira à diviser.

Vous voyez-vous comme un influenceur ?
Pas du tout. Mais cela ne m’empêche pas de m’engager dans certaines campagnes. J’ai travaillé avec Amnesty International sur la notion de consentement dans les relations, sur la reconnaissance de statut d’aidant proche avec les Mutualités chrétiennes, le suicide avec Un Pass dans l’impasse, la nutrition avec l’APAQ-W… Je ne suis pas un donneur de leçons mais j’utilise la notoriété de mon personnage pour attirer l’attention sur des sujets importants. GuiHome est salutaire lors de périodes sombres comme les attentats ou la pandémie en donnant l’occasion aux gens de sourire. Mais pas question d’indiquer une quelconque direction à prendre.
Avez-vous le sentiment de faire du bien aux gens ?
Je m’en rends compte depuis la tournée, quand des personnes me disent que mon travail les a aidés à des moments difficiles. Mais j’y pense peu pour ne pas brouiller mon travail d’écriture. Les réactions du public ne doivent pas devenir un moteur de création. Est-il facile de se projeter quand on a peur de vieillir ? J’ai beaucoup de projets pour éviter de me projeter et me poser trop de questions. Me demander ce que je ferai dans 5 ans me stresse au plus haut niveau. Travailler,
je ne fais que ça, où que je sois. Je vais devoir apprendre à me poser, me réserver des moments « normaux » de détente. Il me faut construire, innover, en permanence. À une époque où on consomme un artiste par jour, il faut trouver des pistes pour durer.
Quelles qualités vous reconnaissez-vous ?
Je suis spontané. Plutôt fédérateur. J’ai le goût de rassembler, de travailler en équipe. Je ne veux plus être seul. De penser qu’une multitude de collaborateurs enthousiastes se donnent sans compter pour la tournée, le festival et mes autres projets, j’en ai les larmes aux yeux.
5 objets

Son smartphone : Mon outil de travail, il me permet de filmer la plupart de mes vidéos. Plus qu’un téléphone, je le considère comme un espace de création. Sans compter qu’il a aussi une charge émotionnelle forte, enfermant mes souvenirs personnels, mes contacts. Il a été si important durant la pandémie, nous permettant de garder du lien. Mais je ne veux plus dire qu’il représente toute ma vie, ce serait vraiment trop réducteur. Reste la symbolique qui résume mon parcours : un jour, j’ai tourné une simple vidéo imitant un copain étudiant alors que je m’ennuyais au cours… Quand je l’ai postée, j’ai oublié de la mettre en mode privé et voilà, l’aventure a commencé. Je dis toujours que l’ennui m’a sauvé !

Son stylo-bille : Je suis de la vieille école, je note tout et j’ai des codes couleurs fluo selon les activités. Je dois avoir des centaines de cahiers. Et ce stylo-bille est le premier que je m’offre vraiment, sorte d’outil officiel d’entrepreneur. Je suis resté 1h dans le magasin pour l’essayer. J’ai toujours un Bic sur moi, parfois il est coincé sous ma casquette ou mon bonnet tant et si bien que je l’oublie.

Son cahier : Suite logique vu ma passion de l’écriture à la main. Ma maman me l’a offert récemment et elle l’a choisi coloré. Depuis tout petit, j’adore écrire sur du papier. Mon côté hyper méticuleux, à tout souligner, en énerve plus d’un ! Quand j’écris, il ne faut pas me presser, je n’oublie aucun détail. Offrez-moi un cahier et je serai comme un gamin de 4 ans devant un nouveau jouet.

Sa caméra : Pour dissocier le smartphone, et son aspect connecté avec les gens, de cet outil exclusivement professionnel. J’aime beaucoup monter des vidéos, leur donner du rythme, inventer. Cette caméra me permet de travailler sur des projets plus conséquents avec mes équipes. J’ai tourné il y a peu une série avec Pablo Andres, je vis des expériences magnifiques.

La photo de sa maman : Je le dis et redis, j’ai une relation très fusionnelle avec ma maman. Je lui dois énormément dans mes moments de doute et de stress. Bien sûr, elle est peu objective devant son fils mais elle a toujours évacué le personnage de GuiHome. Elle est très attentive à ce que je reste fidèle à moi-même et à mes valeurs. Et elle m’envoie souvent du contenu pour étayer mon propos dès que je lui fais part d’une idée.
Texte Gilda Benjamin – Photo Jan Crab