Philip Eraly, juriste notarial et moutardier : « Chaque dossier raconte une histoire »

Le jour, Philip Eraly, 33 ans, est juriste notarial pour l’étude Halflants & Lenaerts à Lubbeek. Après sa journée de travail, il rejoint l’usine de moutarde De Ster en tant que moutardier artisanal. « Oui, je mange à tous les râteliers, et mes deux activités me procurent énormément de plaisir ! » Philip combine à cela la rénovation de sa maison, tout en veillant à consacrer du temps à son épouse et à leur petit garçon. « Heureusement, j’ai une conjointe très compréhensive. Je me rends compte que ça ne fonctionnerait pas dans tous les ménages. »

« Après avoir travaillé pendant quatre ans pour une étude notariale de Louvain, j’ai rejoint en 2015 l’étude de Jean Halflants et Raf Lenaerts à Lubbeek, la commune où j’ai grandi. C’est vraiment passionnant parce que mes dossiers ont souvent un lien avec des gens que je connais ou des lieux de ma jeunesse. Chaque affaire raconte ainsi une histoire. »

« Ce sont surtout nos clients qui rendent mon métier de juriste notarial attrayant et varié. Vous êtes par définition en contact avec les gens à différents moments – souvent importants – de leur vie : la première maison, un don des parents, l’héritage d’un proche, un contrat de mariage, une procuration de soins… ».

Attentes

 « Il est frappant de constater que les connaissances et le sens critique des clients augmentent au fil des années. C’est une bonne chose en soi, mais cela implique évidemment aussi qu’il est de plus en plus compliqué de satisfaire toutes les attentes. Le notariat est une matière considérablement plus complexe qu’un pot de moutarde. » (Il rit)

Les univers du notariat et de la moutarde se recoupent-ils ? « C’est assez limité. Une partie du notariat qui me passionne véritablement est la législation sur le bail à ferme, et il y a à cet égard un lien entre l’agriculture et la culture des graines de moutarde – une activité que nous pratiquons depuis plusieurs années. À l’étude notariale, vous rencontrez régulièrement des personnes intéressantes que vous recroisez parfois par la suite dans un tout autre contexte. J’ai pu mettre à profit mes connaissances en matière d’immobilier et mon réseau pour l’achat de l’usine de moutarde, entre autres. »

« Jeroen Meus est fan »

« Si mon père n’avait pas sauté le pas de reprendre l’usine de moutarde en 2013, De Ster n’existerait très certainement plus. Durant trois générations, l’entreprise a fait la fierté de la famille Vanderwegen, mais Luc et Tres n’avaient pas de successeurs et une belle tradition menaçait de disparaître. Jeroen Meus avait réalisé une vidéo à cette période en disant que quelqu’un devait absolument reprendre l’activité. Ce quelqu’un fut donc mon père, qui cherchait à l’époque un endroit où traiter et stocker du sureau – il détient une petite plantation. Il a changé son fusil d’épaule et s’est tourné vers la moutarde. Parfois, je me dis que c’était sûrement sa crise de milieu de vie. Certains achètent une moto ou une voiture ancienne. Mon père s’est fait plaisir autrement. »

Paul, le papa de Philip, a dès le début impliqué ses deux fils dans le projet. Le frère de Philip, Christophe, dirige son propre bureau d’architecte paysagiste, Overlant, et s’occupe des livraisons plus importantes et de l’aspect créatif. Il y a quelques années, il a également suivi les travaux de rénovation de l’usine de moutarde. On peut dire que ce n’est pas l’énergie qui manque dans la famille Eraly.

Moudre lentement

Philip : « Je me charge principalement de la production : préparer le mélange de graines de moutarde, remplir les bocaux… Nous moulons de la moutarde pratiquement chaque jour de la semaine. C’est un procédé très lent : il faut plusieurs heures pour moudre un seul tonneau de moutarde. Moudre lentement empêche la formation de chaleur durant le processus, ce qui évite toute perte de goût. Nous pouvons ainsi produire une moutarde pure : nous ne devons pas y ajouter d’aromatisants et pouvons travailler avec seulement quatre ingrédients, à savoir du vinaigre nature, du sel de mer, de l’eau et cinq variétés de graines de moutarde. Comme le vinaigre et le sel permettent une excellente conservation, notre moutarde ne contient pas non plus de conservateurs. »

L’ancien moulin sera bientôt rejoint par un deuxième. « La demande augmente énormément. » Comment expliquer ce succès ? « C’est un produit très simple que l’on trouve dans chaque cuisine. Nous remarquons que de plus en plus de gens font attention à la qualité de leur alimentation et privilégient aussi des produits locaux, et ce, plus que jamais depuis la pandémie. Nous comptons en outre d’excellents ambassadeurs, même si nous n’avons encore demandé à personne de nous faire de la publicité. Jeroen Meus est un grand fan de notre moutarde, tout comme Jeroen De Pauw et Loïc Van Impe. Plusieurs chefs cuisinent avec notre produit et le mettent explicitement sur leur carte. C’est ainsi que beaucoup de gens le découvrent. »

« Nous avons créé une moutarde au miel exclusivement pour l’abbaye d’Averbode. Un rêve que j’avais depuis longtemps, car les prémontrés ont déjà leur bière, leur fromage et leur pain. Il ne manquait plus que la moutarde ! La moutarde au miel Averbode est en train de mûrir dans les fûts et sera commercialisée pour la première fois cette année. »

www.de-ster.com

Texte : Dirk Remmerie – Photo : Jan Crab

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