
Quand deux étudiants en Polytechnique fraîchement diplômés décident, à 24 ans, de lancer un nouvel outil pédagogique digital, cela donne Wooclap qui a vu son efficacité augmentée durant la crise du Covid. Portrait d’une entreprise en plein essor.
Texte: Gilda Benjamin
Sébastien Lebbe, CEO, et Jonathan Alzetta, CTO de Wooclap ont eu très peu de temps pour réagir aux fortes demandes des professeurs en pleine crise sanitaire. Mais ils ont relevé le défi en développant une nouvelle plateforme à même d’aider les professeurs comme les étudiants.
Wooclap est-il basé sur votre propre expérience d’étudiant ?
Sébastien Lebbe : Nous étions persuadés que le numérique pouvait contribuer à améliorer l’enseignement. Durant nos études, nous nous étions rendu compte combien il était difficile de faire savoir à un prof que nous ne comprenions pas une matière ou une explication, soit par timidité ou impossibilité de formuler notre question. L’idée était donc de créer un outil permettant aux étudiants de poser des questions aux professeurs. Ces derniers nous ont fait part de deux problématiques récurrentes : leur mal à capter l’attention des étudiants et leur difficulté à mesurer vraiment leur degré de compréhension. De fil en aiguille, nous avons développé une plateforme avec différentes fonctionnalités comportant des questions à choix multiples, des questions ouvertes…, pratiques à utiliser sur smartphone, tablette ou ordinateur.
Comment êtes-vous arrivés à imposer votre projet ?
Au moment de nous lancer, nous n’avions pas encore fait nos preuves. Or, il est très compliqué de changer une méthodologie en enseignement supérieur ou de convaincre un professeur de modifier sa façon de donner cours, surtout au niveau technologique. Il fallait prouver que notre application apportait une plus-value au point-de-vue pédagogique. Nous avons débuté avec un professeur de médecine à l’UCL qui nous a vite permis de développer la plateforme Wooclap, d’autres professeurs ont suivi. Fait amusant : lors de la création de l’entreprise chez le notaire, en 2015, il nous a proposé de participer le mois suivant à un congrès national du notariat belge. La Fédération des notaires a donc utilisé Wooclap avec 600 participants ! On a d’abord créé une SPRL (NDLR: devenu depuis lors SRL), qui est devenue une SA lors d’une augmentation de capital.

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Par la suite, il a fallu approcher les universités, ce fut moins évident que prévu mais nous avons réussi aujourd’hui à construire des partenariats répondant aux besoins de chaque institution, en Belgique comme à l’étranger. Les avantages sont multiples : les étudiants participent plus en cours, ils deviennent acteurs de leur apprentissage et le professeur est à même de cerner leur degré de compréhension et de connaissance.
Comment vos projets de développement ont-ils été boostés par la crise du Covid ?
Nous avons eu des demandes d’étudiants désirant mieux réviser, d’où la création de Wooflash. Cette plateforme est basée sur les principes de neuro-éducation, afin d’activer le cerveau et de pousser l’étudiant à apprendre par le questionnement, et sur l’intelligence artificielle en vue de personnaliser les parcours d’apprentissage. Cette plateforme était en cours de développement avec des professeurs et des universités quand la crise du Covid est arrivée. Nous avons donc créé un module « Spécial examens » afin d’aider les professeurs à les organiser à distance, pratique dès lors exigée vu les circonstances. La crise nous a incontestablement poussé à réagir très rapidement et à nous focaliser sur un objectif qui n’était absolument pas le nôtre au départ. Ce fut un vrai challenge vu le peu de temps dont nous disposions. Toute situation de crise peut favoriser la créativité. Nous vivons une situation inédite pour tout le monde. Mais n’oublions pas que la technologie doit être au service de l’humain et pas le contraire.

Arrivez-vous à concilier rentabilité et réflexion sociétale ?
Nous ne considérons pas les universités comme nos clients mais plutôt comme nos partenaires. Notre priorité est de privilégier des relations de proximité et d’améliorer l’enseignement ensemble. De nombreux étudiants sont en décrochage à cause de leurs méthodes d’apprentissage et de révision. Nous voulons les aider à mieux comprendre et étudier sur le long terme.
Quels ont été vos risques en tant que jeune entrepreneur et quels conseils pouvez-vous donner ?
Le risque principal était le manque à gagner par rapport au salaire que j’aurais pu recevoir en intégrant une grosse structure. Quand vous vous lancez, il faut s’accrocher. Nous avons commencé sur fonds propres car j’avais déjà initié une autre affaire avant. Beaucoup de personnes rêvent de créer leur entreprise et ne le font jamais par crainte. Mais un jour, il faut y aller, ne plus attendre. Le fait d’avoir un associé est bien sûr motivant car il y a, immanquablement, des hauts et des bas, des périodes de doute. Mais surtout, il faut y aller pour ne rien regretter.
Wooclap existe depuis 2015 et emploie 35 personnes, bientôt 40 équivalents temps plein. Plus de
300 000 professeurs et formateurs l’utilisent dans les universités et écoles, de Bruxelles à Lyon, de Maastricht à New York, de Louvain à Paris.