
Betty Moerenhoudt, céramiste, 65 ans, habite au-dessus de son atelier qu’elle a fait construire spécialement pour son activité. L’idéal quand on pratique un métier d’artisanat. Cette maman de deux grands enfants a pu facilement faire des allers-retours entre le four de sa cuisine et celui, nettement plus imposant, de son espace de travail.
Le rez-de-chaussée donne sur la rue, avec une vitrine d’exposition présentant les superbes pièces de céramique de cette créatrice qui excelle dans son art. Passé la petite cour-jardin intérieure, on accède à un atelier de taille suffisante pour accueillir rangements, tables de travail pour les stages, tours… Le four, pièce maîtresse du lieu, si essentiel à l’activité de céramiste, marque la pièce comme les esprits. Betty Moerenhoudt est céramiste depuis plus de 40 ans. Et a pu, en travaillant en partie depuis son domicile, vivre idéalement sa vie d’enseignante, d’artiste et de femme. Elle organise différents ateliers d’initiation et de perfectionnement, des sessions à la demande pour un anniversaire ou un groupe d’amis ou de collègues, des stages mixtes enfants/adultes… L’atelier peut recevoir jusqu’à 12 personnes. Betty aime son métier axé sur les échanges, le partage, le lien et la créativité. « J’ai l’habitude de gérer des groupes et de donner cours, les gens l’apprécient car une bonne céramiste ne fait pas nécessairement une bonne pédagogue. Il s’agit d’indiquer les bons outils, de donner les bonnes explications. »

Comment êtes-vous devenue céramiste ?
J’ai fait un graduat en Arts plastiques avec option céramique. J’ai ensuite passé l’agrégation afin de pouvoir enseigner. J’aime créer quelque chose en volume et travailler la matière. Mais cette passion est venue tard, je n’imaginais pas suivre cette voie durant mes humanités. C’est pendant mes cours artistiques et mes ateliers que j’ai vraiment découvert les techniques de la céramique. J’ai très vite enseigné, en parascolaire puis en école, tout en louant avec une amie un petit atelier à Jette. J’ai enseigné durant 40 ans dans la même école à Schaerbeek.
Quand avez-vous pris la décision de vous installer professionnellement chez vous ?
Quand mon bail de location a pris fin, je me suis dit que ce serait plus pratique d’avoir mon atelier à domicile afin d’éviter les trajets. De plus, la céramique demande des cuissons longues, parfois plus de dix heures pour la terre, de douze à treize heures pour l’émail. Les allers-retours étaient pénibles. Mon mari et moi avons donc introduit un permis d’urbanisme avec architecte afin de construire un atelier dans le jardin de notre maison. Cet atelier me permettait également de faire l’économie d’un loyer. Enfin, la naissance de mon premier fils demandait que je sois plus présente. Travailler depuis mon domicile était vraiment idéal. Le permis, un commodo-incommodo (appelé aujourd’hui Permis d’environnement) a été facilement obtenu car je me trouvais dans une zone mixte, habitation/petite entreprise. Des gens sont venus voir le four, inspecter le genre de produits utilisés, s’il y avait un risque d’émanations… Le plus compliqué a été de déménager ce four de 3 tonnes : impossible de le démonter à mon ancien atelier et de le remonter ici, il ne passait pas les portes ! Il a fallu ouvrir la façade de rue pour un seul jour, tout le monde s’y est mis. On a roulé le four jusqu’à l’atelier puis refermé la façade, une folie !
J’ai pu concevoir mon atelier comme je le rêvais, penser aux espaces, aux éclairages, aux puits de lumière, aux aérations… À l’époque, je ne donnais pas d’ateliers et créais surtout pour des magasins, sur commande. Après une dizaine d’années, les affaires marchaient moins bien et j’ai commencé les ateliers. Je me partageais entre l’école et mes cours de céramique. Aujourd’hui, je me partage entre ces activités et des participations à des Parcours d’artistes ou salons d’artisans. Ma plus grande fierté ? Avoir remporté plusieurs prix grâce à mes créations de théières. Tout compte fait, j’ai de la chance, j’ai pu vivre de ma passion. J’ai toujours été indépendante complémentaire. Depuis 2 ans, je suis pensionnée et je continue mon activité de céramiste. L’atelier est déclaré comme espace professionnel. Du coup, le revenu cadastral a augmenté mais cet espace est déductible. Tous mes compteurs sont séparés, entre habitation et atelier.
Que faut-il avoir à l’esprit quand on décide de travailler à domicile ?
Essayer de faire la part entre vie professionnelle et vie privée. Je vais mettre une machine en route, je vais pendre le linge, je vais préparer à manger… On est vite parti sur autre chose. Beaucoup de gens n’imaginent pas travailler depuis leur domicile, on s’éparpille très vite.
Votre mari n’avait-il pas quelque crainte à ce que vous soyez tout le temps dans votre atelier ?
Ça, c’est ce dont il se plaint maintenant ! Mais je n’ai aucune envie de rester dans la maison à me tourner les pouces et je suis réellement contente de pouvoir enfin profiter plus de mon espace à moi.
Il représente un gain de temps précieux pour une activité qui procède par étapes. Quand je fais cuire une de mes pièces, je peux remonter chez moi et m’occuper d’autre chose, faire ma comptabilité… Je peux tout à fait créer ou élaborer un projet dans mon salon, qui est quand même plus chaud et douillet.
Quels conseils donner à quelqu’un désirant s’installer à domicile ?
Avoir un endroit bien séparé et qui n’empiète pas sur la vie privée, un espace scindé par rapport à la vie de famille. Et s’informer auprès de spécialistes: un notaire, un comptable, d’un fiscaliste.
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Avez-vous transmis votre passion à votre famille ?
À mes enfants ? Pas du tout ! Oh, ils aimaient beaucoup participer à des stages quand ils étaient plus petits mais c’est tout, ils ont préféré le sport. Cependant, j’ai une petite-fille de 6 ans qui aime beaucoup venir avec ses copines. Quant à mon mari, il est photographe, ce qui lui a sans doute permis de comprendre ma fibre artistique. Heureusement, il n’avait pas besoin d’un espace à lui sinon on se serait battus ! Nous avons aménagé le rez-de-chaussée à l’avant en espace d’exposition. On peut y voir ce que je crée. Il faut avoir son propre style en céramique car c’est devenu tellement tendance que le public s’y intéresse beaucoup. Les gens ont ce besoin de retour à la terre, de travailler de leurs mains.
Vous n’êtes donc pas prête de ranger vos émaux ?
Oh non, au contraire, je pourrais même ajouter un cours par semaine vu la demande mais cela me prend déjà beaucoup de temps. La céramique exige de nombreuses installations et manipulations en plus de la cuisson et du séchage des pièces. Il faut du temps, de l’attention et de la concentration. Et puis je veux aussi être disponible pour mes petits-enfants.
http://www.betty-moerenhoudt.be/
Texte: Gilda Benjamin









Crédit: Jan Crab