
Annick et Nick n’en sont pas à leur premier essai lorsqu’il s’agit de se loger « autrement ». Pendant des années, ils ont vécu ensemble dans un bus touristique. Aujourd’hui, ils vivent avec trois enfants Yaëlle, Isaac et Nadine sur la péniche “Electra”.
L’Electra se situe sur le canal de la Nèthe à Lierre, en province d’Anvers. Construite en 1957, la péniche a servi de cargo pendant de nombreuses années, jusqu’à ce qu’Annick et Nick l’achètent en 2004 et en fassent leur maison. Ils ne craignaient pas le manque de place. « Au contraire », déclare Nick. « Nous pensions que le bateau serait beaucoup trop grand. Les années précédentes, nous avons vécu dans un bus touristique et ça c’était petit. (rires) Au début, il y avait tellement de place que nous nous sentions même perdus et nous n’utilisions qu’une partie du bateau”.
Bateau avec impression de loft
On ne peut pas dire que l’Electra est “petit”. Ce kempenaar (bateau spécialement conçu pour les canaux de la Campine) mesure 52 mètres de long et 6,6 mètres de large. Grâce à ces dimensions, il se manœuvre facilement sur les canaux de la Campine. Le couple a engagé l’architecte Caroline Voet pour les plans de rénovation et, à l’aide de nombreux amis habiles, s’est occupé lui-même de la rénovation totale. Le bateau est divisé en plusieurs compartiments et compte trois chambres à coucher et deux salles de bains. On ne se sent nulle part à l’étroit, surtout pas dans l’espace de vie, qui fait penser à un loft convivial. Il y a même assez de place pour la batterie d’Isaac. D’ailleurs, pas besoin de faire attention au bruit pour les voisins ici, c’est pratique ! L’Electra est également complètement autonome. Les panneaux solaires et les éoliennes sur le pont fournissent le courant et un système de purification d’eau pour l’eau potable.

Liberté totale
Le sentiment de liberté totale est pour Nick ce qu’il y a de plus beau dans le fait de vivre sur une péniche. « Vous décidez vous-même où vous allez, à la recherche d’un endroit qui vous rende le plus heureux et ce, sans quitter votre maison. N’est-ce pas fantastique ? » Et pourtant, Annick et Nick ont fait le choix d’ un poste d’amarrage fixe il y a trois ans. « C’est mieux pour les enfants », déclare Annick. « Ils peuvent maintenant aller à l’école à pied et avoir leurs copains et leurs passe-temps à proximité. De plus, on se plaît bien à Lierre. C’est une chouette ville où il se passe toujours quelque chose. »
Isaac aime en tous points cette vie fluviale. « Il y a toujours quelque chose à voir ou à faire ici. En été, les enfants sautent par-dessus bord et nagent dans le canal ou on met le bateau de plaisance à l’eau pour faire du ski nautique. Ce sont de bons moments. Notre fille préfèrerait toutefois vivre dans une maison ordinaire. Mais je pense que c’est normal à cet âge-là », déclare Nick, « les enfants ont envie d’avoir une vie normale et veulent être comme leurs amis. »
Envie d’aventure
Un bateau-maison est-il fait pour tout le monde ? « Il faut vachement aimer l’aventure. Sur un bateau, plus de choses peuvent en tout cas mal tourner. Sur le plan technique, entre autres, mais aussi en ce qui concerne les conditions météorologiques. En cas de tempête, le bateau a tendance à souvent beaucoup tanguer. En revanche, vous ressentez beaucoup plus les saisons. Nous profitons énormément des canards qui nagent le long de la péniche, du soleil sur l’eau, du bruit de la glace qui craque, de la pluie sur les panneaux de cale en acier, des beaux panoramas… Toutes ces choses n’ont pas de prix. »

Pour l’aspect financier, selon Nick, il n’est plus intéressant d’opter pour un bateau-maison. « Avant, on pouvait sauver un bateau de la casse, le retaper et aller où on voulait. Aujourd’hui, c’est devenu plus difficile. Il y a peu de postes d’amarrage gratuits et les coûts sont importants, comme la redevance d’amarrage et la redevance mensuelle pour un poste d’amarrage fixe, le contrôle technique obligatoire tous les cinq ans, l’entretien… Cela monte vite. »
Manque de vie privée
Annick et Nick voient peu d’inconvénients à vivre sur un bateau-maison. « Ce que je regrette, c’est le manque de vie privée. Pas sur notre bateau, mais à côté », déclare Nick. « Juste le long du quai se trouve le chemin de halage, qui est beaucoup utilisé par les cyclistes. Ils n’apprécient pas nous voir là, nous, les habitants de la péniche. Pour notre sécurité, la ville de Lierre a placé des blocs de béton sur le chemin de halage au début du quai. Cela signifie qu’ils doivent ralentir et cela ne leur plaît pas. Chaque dimanche matin, je suis réveillé par une bande de touristes à vélo qui hurlent : « Attention, des blocs ! Ils ne se rendent pas compte que des gens vivent ici également. D’autres jettent tout simplement leurs déchets sur le pont. Ce n’est pas très respectueux. »
« C’est vraiment dommage », déclare Annick. « En effet, le problème aurait facilement pu être évité en installant le chemin de halage quelques mètres plus loin de la rive. Ainsi, nous n’aurions pas à le traverser à chaque fois que nous débarquons. » Le faible niveau de communication avec le Vlaamse Waterweg (qui gère les voies navigables flamandes) suscite le mécontentement de nombreux habitants de péniche de la région, comme le sait Nick. « Lors de l’aménagement de ce quai, par exemple, pas un seul habitant de péniche n’a été consulté. Six cents mètres de quai sans escaliers… c’est juste super dangereux. Lorsque quelqu’un tombe dans l’eau – et oui, cela arrive parfois – il lui est impossible de s’en sortir seul. La meilleure chose qu’il puisse faire est de nager jusqu’à l’autre côté. Ils ont investi des millions dans des murs en béton. C’est de l’argent jeté, car nous n’en avons même pas besoin. C’est frustrant quand on sait combien on doit payer pour pouvoir rester ici. »

Et plus tard ?
À plus long terme, Annick et Nick se voient revenir sur la terre ferme. « L’entretien d’une péniche est physiquement assez lourd. Tous les cinq ans, par exemple, vous devez repeindre complètement votre bateau. Le faire soi-même n’est pas à sous-estimer, le faire faire coûte beaucoup d’argent. Alors oui, peut-être que nous retournerons sur la terre ferme une fois que les enfants voleront de leurs propres ailes. Une maison que vous pouvez laisser sans vous soucier de savoir si tout va bien”.
Législation vague
« Ces dernières années, il y a eu également tellement de règles, d’inspections, de contrôles… qui ont été ajoutés. De plus, la législation relative aux bateaux-maisons est également très vague. La catégorie “péniche” n’existe même pas officiellement. Un bateau n’est pas un bien immobilier, mais qu’est-ce donc alors ? Vous ne recevez aucun subside pour des panneaux solaires si vous n’avez pas de poste d’amarrage fixe, c’est absurde. Et quid aujourd’hui d’un prêt hypothécaire pour un bateau-maison ? Quand nous avons acheté le nôtre, ce n’était pas encore possible. Vous voyez, il faut être très motivé de nos jours pour aller vivre sur un bateau-maison », conclut Annick.
Texte: Bo Bogaert