Si les médecins pratiquent l’art de guérir, les médiateurs pratiquent celui de l’accord!

La séparation d’un couple met fin à une histoire commune, à des rêves, à des espoirs et à une histoire d’amour, avec parfois des enfants pour rappeler ce qui a été et ce qui n’est plus. Mais la vie continue et une autre histoire, d’autres histoires sont à écrire. S’il le souhaite, le couple n’est pas seul face aux juges et aux avocats. La médiation peut aider à restaurer une communication difficile ou fragilisée entre les deux conjoints. Analyse de l’aspect pratique et psychologique.

En cas de divorce, on ne pense pas spécialement à se rendre chez le notaire médiateur. Or, le médiateur a suivi une formation qui lui permet de rendre un service encore plus efficace que la simple négociation ou la conciliation habituellement proposée par les notaires. Une précieuse alternative au tribunal.

Pierre Cottin croit tellement aux bienfaits de la médiation qu’il prodigue son expérience à tous ceux qui désirent poursuivre dans cette voie. Et le conseil N°1 : pour une médiation réussie, il faut que les parties soient conscientes qu’elles ont chacune un problème et que la solution dépend de toutes les parties.

Pour quelle raison êtes-vous devenu médiateur ?

« J’ai succédé à l’étude de mon père, à Vielsalm, en 1991. Il m’a transmis la conviction que je devais devenir un très bon juriste et je me suis donc employé à maîtriser le droit de la meilleure des façons. Au début de ma carrière, l’expertise juridique était suffisante pour pratiquer mon métier avec efficacité. Avec le temps et l’arrivée d’une nouvelle génération, la perception du droit et de la norme par les clients a considérablement évolué. Le début des années 2000 a vu, en effet, arriver une génération plus individualiste, s’opposant volontiers aux lois qu’elle juge injustes. Ce constat m’a poussé à me remettre en question afin de proposer des solutions adaptées aux clients. J’ai suivi une formation de médiateur et ce fut immédiatement la révélation. »
« La plupart des clients confondent le concept de conciliation avec celui de médiation. La médiation, c’est précisément professionnaliser la fonction de conciliation du notaire. Pour parler de médiation, il faut appliquer une méthode et bien comprendre que ce sont les parties qui produisent des solutions et non le médiateur. » « Après des années de pratique, j’ai adapté l’outil à ma main et mis au point ma propre méthode. Je pense sincèrement que, si les médecins pratiquent l’art de guérir, les médiateurs pratiquent celui de l’accord ! »

Comment les clients viennent-ils vous voir ?

« Certaines personnes sont renvoyées par le juge chez un médiateur afin de trouver un règlement à l’amiable, une situation fréquente dans les affaires familiales, qui s’appelle la médiation judiciaire. Ce qui représente le plus grand nombre de dossiers de médiation pour le notaire, c’est la transformation, en médiation, des liquidations judiciaires après divorce ou dans le cadre d’indivisions entre cohabitants ou héritiers. Mettre fin dignement à un litige, sans passer par le glaive sanglant de la justice, est un gain de temps, d’argent et d’émotions négatives. Dans la pratique, le taux de réussite de la médiation avoisine les 90%. »

Trouve-t-on toujours une solution ?

« Oui si, dès le début du dossier, le médiateur constate ou, mieux encore, arrive à créer de la motivation à produire des solutions. » « Avec l’expérience, on distingue trois catégories de personnes qui s’adressent au notaire médiateur. Certains clients sont des « visiteurs ». J’entends par là qu’ils prétendent n’avoir aucun souci. « Je suis d’accord
de faire une médiation mais, moi, je n’ai pas de problème » ! Ils n’ont pas d’émotions mais déclarent qu’ils sont favorables à la médiation. » « Derrière cette attitude, vous trouvez ce que j’appelle « le touriste » ou, pire encore, « le stratège », celui qui vient voir si la médiation ne donnera pas un meilleur résultat que le pronostic élaboré par son avocat. Avec les visiteurs, aucune chance de réussir une médiation. »
« Vous avez ensuite ceux que j’appelle « les plaignants », c’est-à-dire ceux qui se présentent comme victimes du comportement des autres. En l’occurrence ici, celui du
conjoint. » « Ils viennent en médiation pour changer l’autre. Avec ces personnes, vous avez une chance de réussir la médiation si le notaire médiateur a beaucoup d’expérience.»
« Enfin, vous trouvez ce que j’appelle « le client de la médiation ». Il se plaint mais reconnaît l’existence du problème et de ses émotions et, surtout, il a conscience que la solution dépend tant de lui que des autres. »

mediation_jpg

Comment procédez-vous ?

« Je ne suis pas notaire ou médiateur, mais bien notaire et médiateur. Donc, je commence d’abord par jouer mon rôle de notaire et, lorsque les parties m’exposent leur
différend, je produis une solution juridique quand je pense que cette solution va être acceptée par les parties. Si l’une des parties refuse ma solution juridique, je change mon attitude professionnelle et, surtout, j’arrête d’insister sur le bien-fondé du droit et sa toute-puissance. »
« Plutôt que de parler, je me mets à écouter, à reformuler, à recadrer, à réguler la communication. Je prends note de leur position, laquelle comporte toujours des faits, des points de vue et des solutions unilatérales que j’appelle les « YAKA » : « Y’a qu’à faire
ce que je vous dis ». « Mon mari ou ma femme n’a qu’à faire ceci ou cela ». » « Si je constate que la communication fonctionne bien, je tente rapidement une négociation car c’est ce qui va le plus vite et coûte le moins cher pour les parties si une marge de manoeuvre existe. Lorsque je constate qu’il n’y a pas de marge de manoeuvre, alors seulement je propose la médiation. Après ce parcours, les clients et moi avons, ensemble,
atteint un haut niveau de conscience que la médiation est le dernier médicament qui peut éviter l’opération à coeur ouvert que représente l’intervention du tribunal.
Vous voyez pourquoi je vous disais, en commençant notre entretien, que le notaire médiateur pratique l’art de guérir. »

Laisser un commentaire